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Destin de femmes

Destin de femmes

Makhlouf Bouaich

Dans ces nouvelles, dans une écriture sobre, fluide, aussi précise et efficace, l’auteur, entre autre, porte le fer dans les relations entre hommes et femmes dans le monde rural. C’est toute une comédie dans les rapports qui est décrite : les malentendus, les quiproquos, les ambigüités et les effets boomerangs imprévus, les incohérences et les contradictions des attitudes, les sentiments qui basculent dans leur contraire de façon inattendue, les coups de théâtre et les rebondissements qui en résultent.

Un mari jaloux introduit lui-même le loup dans la bergerie et découvre avec fureur l’événement qu’il a lui-même amené avec naïveté ou invité inconsciemment.

Un homme organise lui-même la ruine de son image et de sa situation personnelle dans son village en croyant les rehausser ou les restaurer. Les personnages traditionnels défilent. Le saint homme guérisseur abuse de la bonne foi de ses visiteurs, mais aussi de leurs femmes.

La communauté du village et surtout celle des hadjis s’érigent en autorités morales pas forcément désintéressées, mais en tout cas promptes à dépecer les biens des naïfs qui les prennent comme conscience. Un homme s’épuise à essayer d’interpréter le sens des messages que lui renvoie sa communauté ou du moins ce qu’il croit percevoir de la part de celle-ci.

Tout cela donnerait matière à comédie certes cruelle, mais finalement hilarante s’il n’y avait pas la pulsion violente persistante, surtout un sens de l’honneur viril qui ne pardonne rien lorsqu’il est en cause et qui rend fou. Le père aimant cajoler sur ses genoux son fusil de chasse et sa petite fille dans une égale adoration : une proximité et une confusion qui annoncent déjà le dénouement. La femme devient le signe de la puissance de l’homme, sans celle-ci il n’est plus rien à ses yeux, ou à ceux de sa communauté, du moins le croit-il.

Pourtant la communauté décrite est d’une simplicité biblique et frugale. Elle n’est en rien contaminée par les démons de la consommation dévorante et l’amoncellement des déchets que celle-ci cause. On y a un respect naturel des femmes et des hommes. La sœur sensée être séduite par la nouvelle liberté de choix des femmes n’est pas méprisée ni condamnée, en tout cas pas dans un premier temps.

Tout se gâte lorsque la place de l’homme dans une société immobile est menacée. La perte de celle-ci est alors ressentie comme destructrice et irrémédiable. Le changement des mœurs devient alors sources de fantasmes et de désespoir qui rendent fou. Au bout du compte le bon vieil ordre de la hiérarchie des biens et des hommes et le tabou millénaire sur la vie humaine l’emportent. Le fou devient le témoin de la déraison qui s’empare des hommes lorsque l’énigme de la femme, de ce qu’elle veut et de ce qu’elle est, fait irruption dans la vie des hommes.

Ces nouvelles laissent deviner quelques placards secrets où sont soigneusement enfermés des squelettes que les sociétés musulmanes contemporaines n’aiment guère exhumer, voire s’acharnent à refouler, contrairement à certaines histoires de leurs ancêtres d’autres époques, à l’érotisme plus libre et plus vrai. La hantise de la castration que le souci, exacerbé jusqu’à l’absurde, de l’honneur viril dissimule et incarne à la fois, lève sans doute un pan du voile.

Étrange mari qui introduit lui-même le loup dans la bergerie, étrange fureur qui le saisit alors de surprendre sa femme jouir avec un autre. Étrange certitude qui fait croire à un frère que sa sœur est une femme facile, sans le vérifier, et le remplit de pulsion homicide. La part de féminité qui existe en tout homme leur joue de bien vilains tours, lorsqu’ils ne veulent rien en savoir.

L’auteur.

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Éditeur : Marsa Editions Langue : français
Genre : Littérature Sortie : 2 septembre 2008
Sous-genre : Nouvelles

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Biographie

Makhlouf Bouaich

Makhlouf BOUAICH est né au milieu de la guerre d'Algérie, dans un village de Kabylie. Après ses classes primaires, effectuées dans ce même village, il connaîtra la ville pour suivre ses études au collège, puis au lycée. La ville où, enfant déjà, il ressentira un déracinement au fond de lui, même si ce n'était qu'à quelques dizaines de kilomètres de son village.

Très tôt, inspiré par les textes de Mouloud Feraoun et de Victor Hugo, il ressentira le besoin pressent d’écrire.

Après avoir quitté son pays natal, Makhlouf BOUAICH passe par divers métier, dont notamment électricien, en Libye, où la langue française est quasi-absente, mais aussi en France.

Retraité -ancien technicien de maintenance- il passe désormais son temps entre l'éécriture et le jardinage.

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